Rosa Luxemburg : parcours et positions

Résumé

La question de l’ouverture critique dans cette troisième voie marxiste.

Présentation menée dans le cadre du séminaire de Patrice Canivez sur la révolution, Lille-3, M2 Philosophie, 2015-2016.

Introduction

Pourquoi parler de Rosa Luxemburg, et comment ? Il est vrai qu’à l’extérieur des débats intellectuels proches, voire internes aux mouvements marxistes, on en parle peu. La diversité radicale de ceux qui parlent de « Luxemburgisme » rend de fait impossible la considération d’un tel courant, d’un héritage idéologique structuré et précis. Il y a, à côté de ceux-là, une autre diversité : ceux qui parlent de Rosa Luxemburg, la lisent, la discutent, et replacent ses critiques dans les situations qui leur sont contemporaines. Ainsi, c’est parmi les penseurs un peu dispersés, à travers les expressions diverses et variées de ce que l’on s’est senti obligé d’appeler « marxisme non-orthodoxe » que l’on peut voir apparaître une sorte de présence spectrale de Rosa Luxemburg. On entend bien que, lorsque Cornelius Castoriadis et Claude Lefort constituèrent en 1946 leur organisation révolutionnaire et la revue qui en dépendait sous le nom de Socialisme ou barbarie, il s’agissait là d’une référence explicite au premier chapitre de La crise de la social-démocratie1. On entendait vraisemblablement bien que, lorsque les membres de l’Internationale Situationniste diffusaient, durant la période de mai 1968, dans leurs affiches et leurs textes des mots d’ordre défendant la nécessité de laisser le pouvoir révolutionnaire à des conseils de travailleurs et de se méfier des syndicats2, cela faisait écho à des positions prises autrefois par Luxemburg dans d’autres contextes révolutionnaires. Herbert Marcuse constitue un troisième exemple sur plusieurs plans. Il est lui aussi un penseur influent dans les années 1960 et alors facilement relégué au rang de « marxiste non-orthodoxe » par les courants dominants de l’époque ; son parcours biographique nous montre qu’il s’est retrouvé, au moment de la révolution allemande, le fusil à la main dans les rues de Berlin ; la marque laissée par Luxemburg ne se trouve pas ici dans la reprise d’un titre, ou d’une prise de position conseilliste – qui, par ailleurs, ne fut chez elle qu’une position de circonstance – mais dans un développement théorique : la catastrophe de la libération3 décrite dans L’homme unidimensionnel en 1964 évoque sans doute l’aboutissement « catastrophique » du capitalisme défendu en 1905 contre Bernstein dans Réforme sociale ou Révolution4. Sans héritage théorique précis, Rosa Luxemburg est restée malgré tout présente des décennies plus tard dans les réflexions sur la révolution qui refusaient de s’aligner sur le compromis de la social-démocratie, ou sur le marxisme atrophié du « matérialisme-dialectique » de l’URSS5. Cette influence persistante me semble être une bonne raison d’aborder le sujet ; la manière dont elle se présente, sans héritage, sans base théorique unifiée, me semble ouvrir la voie à une exploration plutôt biographique que théorique. La vie de Rosa Luxemburg est une suite de réflexions et de prises de position critiques dans des moments de crise au sein du mouvement révolutionnaire marxiste : la « querelle du réformisme » (Reformismusstreit) dans les années 1890 et 1900 autour de Bernstein, l’attitude du parti face au pouvoir et à la guerre, et en dernier lieu le cas de la révolution russe. Tous ces différents moments ont, de manière générale, donné lieu à une réflexion sur le rôle d’un parti de masse par rapport à la société, sa prétention révolutionnaire, sur ce qui et révolutionnaire ou contre-révolutionnaire. Elle ne nous dit pas ce qu’il faut penser sous une forme générale, mais bien plutôt que dans certaines situations données, il y a quelque chose à penser et à prendre en compte : c’est sans doute la seule manière de la comprendre comme quelqu’un dont la pensée peut être ré-actualisée dans d’autres contextes, comme celui des années 1960, ou pourquoi pas aujourd’hui.

Réforme ou révolution : une critique « orthodoxe » au sein du SPD

Le SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschland) dans lequel se retrouve Rosa Luxemburg dans les années 1890 est un parti qui sort de la clandestinité. Interdit en 1878, il est de nouveau autorisé en 1891. La clandestinité a eu pour effet de radicaliser les positions – c’est-à-dire qu’elles deviennent ouvertement marxistes –, mais n’a pas empêché sa diffusion et son essor. Le rôle officiel que l’organisation peut maintenant être amenée à jouer engage donc un débat par rapport à ces positions radicales. Cette nécessité de revoir la structure du parti mène ainsi à un congrès la même année à Erfurt, où émerge une différence de position entre Karl Kautsky et Eduard Bernstein, qui au cours des années qui vont suivre se transformera en opposition. Le problème est fondamental, car il s’agit ni plus ni moins de savoir si l’action du parti doit être ou non révolutionnaire. Pour Bernstein, le socialisme sera atteint par une série de révisions, c’est-à-dire de compromis avec l’État bourgeois : il abandonne ainsi toute idée d’un effondrement du capitalisme suivi d’une révolution socialiste. Il s’inscrit dans une optique de révision de Marx, ce qui lui vaut d’être qualifié de révisionniste, pour reprendre les termes du débat. Kautsky préconise plutôt une action révolutionnaire parallèle, caractéristique des développements du SPD par la suite en matière d’éducation par exemple : le parti se développe progressivement comme une contre-société, « préparant ainsi le terrain », mais ne faisant pas la révolution.

La querelle prend suffisamment d’importance – et on comprend pourquoi, vu les enjeux conceptuels qui en découlent – pour qu’il en soit sujet dans le congrès du parti en 1899. C’est ici que Rosa Luxemburg fait son apparition devant les représentants du parti. Née en Pologne – et donc étant sujette russe –, elle n’est arrivée en Allemagne qu’un an plus tôt, en 1898, après avoir contracté dans ce but un mariage blanc, sans quoi elle n’aurait sans doute jamais eu de permis de séjour. Elle n’est pas une débutante en politique ; en 1893, elle fondait avec Leo Jogiches – qui restera un interlocuteur régulier tout au long de sa vie – le parti social démocrate de Pologne – et par la suite de Lituanie – qui existera jusqu’en 19186. Le SPD est pour elle l’occasion de jouer un plus grand rôle que dans le petit cercle polonais. Le parti lui attribue au départ un rôle de spécialiste des questions polonaises, ce qu’elle cherche manifestement à dépasser par ses prises de position en tant que théoricienne au sein de la querelle réformiste. Elle admet cette position dans une lettre à Jogiches en 1899 : « Le principe que j’ai adopté (…) est le suivant : rester fidèle à moi-même sans tenir compte de ce qui m’entoure ni des autres gens (…). Il est certain que je veux arriver à la position la plus influente possible dans le mouvement, mais cela n’entraîne aucunement un conflit avec mes idéaux et ne nécessite pas autre chose que mes propres « talents », si du moins j’en possède »7.

Au congrès de 1899, elle prend parti contre l’un des tenants du réformisme, Georg de Vollmar. Luxemburg se retrouve ainsi dans le camp des vainqueurs : les représentants du parti rejettent la position réformiste par 216 voix contre 21. Son rôle de théoricienne se confirme par la publication d’une brochure restée célèbre et au titre on ne peut plus explicite, Réforme sociale ou révolution. Ce congrès n’enterre pas définitivement les positions de Bernstein : en 1901, se pose la question de savoir si le parti doit ou non accepter le vote des budgets régionaux par ses représentants – ce que font les sociaux-démocrates de Bavière ; le congrès se conclut alors sur un recul, acceptant le vote de ces budgets. Le parti reconfirme malgré tout son opposition au réformisme au congrès de Dresde en 1903. Au cours de ces années, Rosa Luxemburg prend de l’importance et noue des relations notables, avec Karl Kautsky notamment. L’issue du congrès de 1903 est en quelque sorte la grande victoire de sa position anti-réformiste, qu’elle n’a cessé de défendre dans de nombreux articles et discours. Présente un peu partout, c’est elle qui, au cours du même congrès, se propose comme traducteur pour un autre grand orateur aux idées opposées, Jean Jaurès, qui n’a personne pour traduire son discours.

Quels furent les réflexions et les remarques de Luxemburg durant ces années d’ascension ? C’est avant tout, nous l’avons dit, une prise de position contre les révisionnistes, et donc une réflexion sur l’effondrement du capitalisme, sur la position du parti, et sur la révolution. Pour elle, la nature même du capitalisme, c’est-à-dire ses contradictions internes, l’amèneront à son propre effondrement. Le capitalisme engendre un développement des forces productives qui entre en contradiction avec les limites du marché. Par conséquent, ce dernier s’étend, et le marché devient mondial. Dans ses derniers moments, dans sa phase complète, le capitalisme entamera sa dernière crise, ne pouvant plus s’étendre d’avantage que la surface du globe. Durant ces mêmes années, Luxemburg aborde d’autres thèmes. Elle rappelle la nécessité de subordonner les syndicats au parti, débat sur lequel nous reviendrons. Elle s’oppose également aux conceptions de Lénine – ce dernier publie Que faire ?8 en 1904 – sur l’organisation du parti : pour elle, une élite révolutionnaire est tout aussi sectaire et dangereux que des réformistes pragmatiques comme Bernstein. Elle réfute l’idée d’une révolution armée, préférant l’éducation et la conscientisation des ouvriers par le parti – qu’elle pratiquera elle-même au sein de l’école du SPD. Là aussi, le débat avec Lénine ressurgira plus tard dans des proportions bien plus grandes.

La révolution de 1905 et la spontanéité des masses

Lors de la révolution de 1905, elle se rend à Varsovie. C’est dans ce contexte qu’elle livre ses analyses sur la grève et la pratique de la révolution. Elle y trouve une pratique concrète de la révolution, et une manifestation de la spontanéité des masses :

« En un mot les dernières grèves ont prouvé non pas que la cause révolutionnaire recule ou faiblit mais au contraire qu’elle va de l’avant et se renforce ; non pas que les dirigeants socialistes commencent à perdre leur influence sur les masses, mais que les masses, comme d’habitude aux moments cruciaux du combat, poussent spontanément les dirigeants vers des objectifs plus avancés »9.

Notons le rôle du parti : il ne dirige pas les masses, la classe ouvrière, mais tout au plus les accompagne et les assiste, et d’une certaine manière attend que ces dernières confirment le rôle qu’il a à jouer et qu’il prétend jouer. C’est une antithèse à la prétention d’un autoritarisme et d’une supériorité hiérarchique du parti. Elle publie à ce moment là un autre de ses pamphlets majeurs, Grève de Masse, Parti et syndicat10, où se combinent l’enthousiasme pour la grève générale issue de son expérience russe, et la condamnation des syndicats au sein d’un débat interne au SPD. La conception d’une grève de masse comme simple moyen de défense – position défendue par les sociaux-démocrates allemands – lui paraît intenable. La grève de masse, c’est la forme de la lutte révolutionnaire11. Plus qu’un acte, elle est le processus révolutionnaire lui-même. Elle est révolutionnaire en elle-même, c’est à dire fondamentalement emplie de spontanéité :

« Au lieu du schéma rigide et vide qui nous montre une “action” politique linéaire exécutée avec prudence et selon un plan décidé par les instances suprêmes des syndicats, nous voyons un fragment de vie réelle fait de chair et de sang qu’on ne peut arracher du milieu révolutionnaire, rattachée au contraire par mille liens à l’organisme révolutionnaire tout entier. La grève de masse telle que nous la montre la révolution russe est un phénomène si mouvant qu’il reflète en lui toutes les phases de la lutte politique et économique, tous les stades et tous les moments de la révolution »12.

Elle voit sans les syndicalistes des tenants du réformisme, et dans leurs relations avec le parti un « contrat de mariage paysan dans lequel la femme dit à l’homme : “lorsque nous serons d’accord, ta décision prévaudra, mais lorsque nous ne serons pas d’accord, ce sont les miennes que nous appliquerons”»13. Sa condamnation des syndicats et ses rappels incessants à l’exemple russe aboutissent à un conflit ouvert avec la direction du SPD. Les années qui vont suivre ne feront que confirmer cette opposition grandissante, tout comme sa confiance particulière dans les masses et leur spontanéité.

C’est aussi à cette occasion que se développe sa pratique révolutionnaire personnelle : tracts, journaux et vie clandestine, et même la prison. Après sa libération en 1906, et ses discussions avec Lénine en Finlande, elle rentre en Allemagne chargée de cette expérience et du désir de voir une telle situation révolutionnaire concrète se réaliser en Allemagne. D’une certaine manière, elle passe du statut de simple théoricienne orthodoxe à celui de révolutionnaire au sein du SPD.

La guerre et les contradictions du parti

En 1907 a lieu, en Allemagne, un congrès de la IIe Internationale. Il y est question d’anti-militarisme et de grève de masse. Luxemburg et Lénine y présentent un amendement commun, qui est repris dans la résolution finale qui est adoptée :

« Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés, c’est un devoir pour leurs représentants (…) de faire tous leurs efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraissent les mieux appropriés, et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale. (…) Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, ils ont le devoir de s’entremettre pour la faire cesser rapidement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste »14.

C’est on ne peut plus clair. Il faut empêcher la guerre par tous les moyens – cela vaut donc pour la grève de masse ; en tant que c’est un devoir pour les prolétaires comme pour leurs représentants au sein du parti, cela va à l’encontre de toute « union sacrée » pour reprendre des termes plus français. Les socialistes ne doivent pas voter de crédit de guerre, résister aux appels patriotiques et nationalistes belliqueux, et ne pas hésiter devant l’opportunité révolutionnaire qui pourrait surgir dans le moment critique d’une guerre qui, malgré tous leurs efforts, aurait quand même lieu. Nous reviendrons plus tard sur ces positionnements qui, on s’en doute, vont prendre une importance considérable en 1914 et en 1918.

Son isolement au sein du SPD grandit : sur la question de la grève de masse, elle rompt avec Kautsky et perd ainsi ses derniers appuis au sein du parti. Lors des élections de 1911, elle critique les alliances électorales du SPD, perdant de vue selon elle les intérêts de la classe qu’il est sensé défendre au profit de stériles accords électoraux. Malgré ces succès électoraux, les tendances radicales au sein du parti se développent. Les tenant de cette « aile gauche » du SPD se rencontrent, se retrouvent dans les mêmes réunions, sans pour autant former un groupe défini ou une organisation particulière. En 1913, elle décrira la vie du SPD comme allant « d’élections provinciales en élections générales et d’élections au Reichstag en élections provinciales ». Face à la volonté en perdition des dirigeants du parti, elle se retourne, à nouveau, vers les masses. En Juin 1914, elle fait adopter dans une section berlinoise du parti une résolution incitant « à travailler dans les usines, réunions du Parti et toutes autres assemblées, afin que la volonté des masses de déployer un mouvement de grande envergure devienne une réalité »15. Dans les sections locales et les différents meetings qu’elle tient, Rosa Luxemburg jouit d’un certain succès. Elle se lie notamment avec Karl Liebknecht et quelques autres, futurs spartakistes, sans qu’il soit pour autant question de scission ou d’organisation opposée.

En Juillet 1914, la question de la guerre se pose plus que jamais d’une manière concrète pour les sociaux-démocrates. Sa responsabilité ne peut que lui être flagrante, ne serait-ce que dans le fait que les soldats sont essentiellement issus de la classe ouvrière. Voter contre la guerre, malgré toute résolution, c’est prendre le risque de l’isolement, d’une opposition trop radicale à l’ensemble d’une société qui basculerait dans le conflit. Le SPD se savait dépendant d’une bonne conduite, d’une certaine collaboration avec un régime qui l’avait déjà interdit par le passé. Sans surprise, le parti vota les crédits de guerre. C’est le début d’une crise majeure. Liebknecht, député, vote – seul – contre les crédits de guerre, face à un parti qui prône l’unanimité de son groupe parlementaire. Luxemburg est arrêtée plus ou moins au même moment, et profite de son séjour en prison pour rédiger La crise de la social-démocratie, dont le nom semble bien résumer la situation. Elle condamne la guerre et insiste sur la nécessité de développer plus que jamais – finalement, comme le préconisait la résolution prise par le congrès de l’Internationale en 1907 – la lutte des classes et l’action du parti. Ces contradictions internes au SPD sur la question de la guerre vont aboutir à la constitution de la gauche du parti en opposition.

La scission spartakiste et la critique des bolcheviks

Un groupe se constitue en 1916, publiant régulièrement sous le nom de Spartacus, nom que le groupe finira par adopter lui-même. Son programme et ses principes ont été rédigés par Luxemburg elle-même. Les spartakistes ne cherchent pas la scission, mais préconisent plutôt une lutte interne : il s’agit d’une « lutte pour le Parti dans le parti », d’une reprise du parti par la base, par la rébellion des masses »16. Les premières grandes grèves de la guerre suivent l’arrestation de Liebknecht le 1er mai 1916. Les oppositions internes éclatent véritablement pour la première fois en janvier 1917 : les opposants à la guerre sont exclus du SPD, et un groupe parlementaire fonde l’UKPD, le parti social démocrate indépendant, auquel va se joindre la ligue spartakiste.

La révolution russe commence en février, Rosa publie sa première réaction en avril. La situation est délicate, surtout contradictoire. Il faut soutenir la paix, comme elle ne cesse de le faire depuis l’avant-guerre : « Dès lors que le prolétariat de Russie a dénoncé “l’union sacrée” par une révolution ouverte, le prolétariat allemand le poignarde carrément dans le dos en continuant à soutenir la guerre. A présent les troupes allemandes du front de l’Est n’opèrent plus contre le “tsarisme” mais contre la révolution »17. La paix, oui, mais quelle paix ? Une alliance entre Lénine et l’impérialisme allemand ne pourrait paraître qu’absurde. Si le mouvement révolutionnaire qui a émergé en Russie peut être vu comme la solution recherché depuis le début de la guerre par les révolutionnaires pour pouvoir réaliser la paix – la résolution de 1907 préconisait de tout mettre en œuvre pour provoquer un soulèvement populaire aboutissant à la chute du capitalisme et à la paix – cela ne pourrait valoir que dans un mouvement beaucoup plus global : Rosa conclut à la nécessité d’un « réveil du prolétariat allemand, la position de force des “ouvriers et des soldats” allemands chez eux, l’action révolutionnaire du peuple allemand pour la paix »18. Les socialistes allemands ne peuvent, par principe, que défendre la paix dans une perspective révolutionnaire, toute paix issue d’une victoire allemande ne pouvant être considérée que comme une victoire de ce à quoi ils sont sensés s’opposer. Situation délicate, que de chercher la paix avec la Russie sans qu’elle ne serve les intérêts de l’impérialisme allemand.

L’interprétation de la révolution russe va donner lieu à des critiques restées célèbres et caractéristiques de Rosa Luxemburg. Elle reprend une position internationaliste qu’elle avait déjà défendue à ses débuts en Pologne, condamnant le nationalisme et les luttes de libération nationale, qui ne sert selon que de refuge à la bourgeoisie. Faire une politique d’autodétermination – ce que font les Russes dans certains territoires – c’est laisser la victoire à la contre-révolution dans ces mêmes endroits, l’encourager au sein même de la Russie. Le cas de la Russie devient même un contre-exemple : elle dénonce l’autoritarisme bolchevik – qui semble transposer la discipline et l’unification interne du parti à la société elle-même – et son tournant dictatorial :

« La liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les seuls membres d’un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n’est pas la liberté. La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Non pas par fanatisme de la “ justice” mais parce que tout ce qu’il y a d’instructif, de salutaire et de purifiant dans la liberté politique tient à cela et perd de son efficacité quand la “liberté” devient un privilège »19 ; « Décrets, puissance dictatoriale des directeurs d’usines, punitions draconiennes, règne de la terreur, autant de moyens qui empêchent cette renaissance. La seule voie qui y conduise, c’est l’école même de la vie publique, la démocratie la plus large et la plus illimitée, l’opinion publique. C’est justement la terreur qui démoralise »20.

C’est ici que se synthétisent les thèmes récurrents des années précédentes. « L’école de la vie publique », c’est ce retour dans la réalité elle-même des masses, cette subordination du parti à ces dernières, l’éducation conscientisante des ouvriers par le parti plutôt que la distribution des armes, l’extension maximale de la démocratie interne sans quoi le parti dévierait nécessairement de son but. La pertinence de la critique de Rosa en devient presque surprenante :

« Lénine et Trotsky ont mis à la place des corps représentatifs issus d’élections générales les soviets comme la seule représentation véritable des masses ouvrières. Mais en étouffant la vie politique dans tout le pays, il est fatal que la vie dans les soviets eux-mêmes soit de plus en plus paralysée. Sans élections générales, sans liberté illimitée de la presse et de réunion, sans lutte libre entre les opinions, la vie se meurt dans toutes les institutions publiques, elle devient une vie apparente, où la bureaucratie reste le seul élément actif. (…) La vie publique entre peu à peu en sommeil. Quelques douzaines de chefs d’une énergie inlassable et d’un idéalisme sans borne dirigent le gouvernement, et, parmi eux, ceux qui gouvernent en réalité, ce sont une douzaine de têtes éminentes, tandis qu’une élite de la classe ouvrière est convoquée de temps à autre à des réunions, pour applaudir aux discours des chefs, voter à l’unanimité les résolutions qu’on lui présente, au fond par conséquent un gouvernement de coterie – une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d’une poignée de politiciens, c’est-à-dire une dictature au sens bourgeois, au sens de la domination jacobine (…). Et il y a plus : un tel état de choses doit provoquer nécessairement un ensauvagement de la vie publique : attentats, fusillades d’otages, etc… »21.

Si la nécessaire révolution en Allemagne a effectivement lieu, on devine ici quels seront alors les mots d’ordre de Rosa Luxemburg : un rappel sans cesse aux masses populaires et à la démocratie contre la primauté et l’autorité du parti sur ces dernières.

La révolution allemande et l’écrasement de la révolte spartakiste

Lorsque Rosa sort de prison le 9 novembre 1918, la révolution est arrivée à Berlin, après être partie des révoltes de marins le 3 novembre dans le port de Kiel. Les troupes envoyées pour les réprimer les ont rejoints, des conseils d’ouvriers et de soldats se sont formés. Le SPD négocie à la fois avec les mouvements appelant au soulèvement, et le gouvernement, à qui il demande l’abdication de l’empereur et le pouvoir. Un gouvernement d’union entre le SPD et l’USPD se forme alors sous le nom de « conseil des commissaires du peuple », abandonnant officiellement, dans le cas des sociaux-démocrates indépendants, les revendications radicales pour se cantonner aux acquis présents. Le groupe spartakiste au contraire met la barre plus haut, cherchant « la dissolution du Reichstag et de toutes les diètes, l’élection dans toute l’Allemagne de conseils d’ouvriers et de soldats, sur lesquels reposera exclusivement le pouvoir législatif, exécutif, l’administration de toutes les installations sociales, des banques et tous les autres biens publics »22. La divergence de tactiques entre Spartacus et l’USPD, son manque d’organisation l’isolent et réduisent son influence, ce qui est problématique pour un mouvement qui ne voit plus dans la situation présente que l’action de masse comme seul recours. Cet isolement se mue presque en opposition : Rosa critique la proposition faite par le gouvernement d’annoncer des élections :

« Le parlementarisme a été, pour le prolétariat, une arène de la lutte de classes, tant qu’a duré le traintrain quotidien de la société bourgeoise : il était la tribune d’où les masses, rassemblées autour du drapeau du socialisme, pouvaient être éduquées pour le combat. Aujourd’hui, nous sommes au milieu de la révolution prolétarienne, et il s’agit aujourd’hui de porter la hache sur l’arbre de l’exploitation capitaliste elle-même »23.

Spartacus appelle à de nombreuses manifestations contre la politique gouvernementale, et y parvenant effectivement, sans pour autant réussir à les encadrer. Les tensions et les oppositions s’accentuent avec la constitution des Corps francs recrutés par le gouvernement pour réprimer les éléments révolutionnaires. L’USPD quitte le gouvernement et, ne parvenant pas à aboutir dans les négociations avec ce dernier, les spartakistes décident de fonder leur propre parti, le Parti communiste allemand. Le KPD affirme son positionnement conseilliste dans la continuité de l’ancienne position spartakiste et Rosa, par là, réaffirme sa confiance dans le soulèvement des masses :

« La lutte pour le socialisme ne peut être menée que par les masses dans un combat au corps à corps contre le capitalisme dans chaque entreprise, opposant chaque prolétaire à son employeur. (…) Le socialisme ne se fait pas, ne peut se faire par décrets, même s’ils émanent d’un gouvernement aussi parfait soit-il. Le socialisme doit être fait par les masses, par chaque prolétaire. C’est là où ils sont rivés à la chaîne du capitaliste que la chaîne doit être rompue »24.

Notons tout de même que, contre l’enthousiasme de certains comme Karl Liebknecht pour la révolution bolchevik, Rosa met en garde contre tout terrorisme et toute tentative de coup d’état. Les manifestations s’amplifièrent, à l’appel de l’USPD. Dans ce climat d’effervescence – nourri d’ailleurs par des informations parfois fausses – Liebknecht va appeler à l’insurrection et à faire tomber le gouvernement – contre l’avis de certains, dont Rosa Luxemburg, jugeant cet appel prématuré. Des combats ont lieu dans Berlin du 6 au 11 janvier. La révolte est écrasée, et Liebknecht sont arrêtés puis assassinés le 15 par des militaires.

Conclusion

Peut-on dégager, de tous ces éléments, quelques principes directeurs ? Il y a quelques positionnements clés : l’internationalisme et le refus du nationalisme et des luttes de libération nationale, la confiance en la spontanéité des masses, la méfiance vis-à-vis des bolcheviks et sa critique.

On retiendra surtout le rigorisme critique de Rosa Luxemburg. Dans la plupart des situations que nous avons vu, elle reste assez suspicieuse, rappelant souvent les risques qu’il y a à être en quelque sorte du mauvais côté de la révolution. En s’écartant des masses, le parti peut prendre le risque non pas d’aller contre elles en premier lieu – le réformisme peut aboutir à des acquis sociaux – mais de ne plus jouer son rôle le moment venu et, peut être, lors de ce moment critique, de se retrouver contre elles – optique dans laquelle le cas de la répression de la révolte spartakiste pourrait être interprétée. S’il affirme son but comme étant la réalisation du socialisme par la révolution, alors le parti peut être amené à agir contre ce but et contre l’intérêt du prolétariat qu’il prétend défendre selon les moyens – on peut comprendre de cette manière sa critique des bolcheviks, et son refus du coup d’état comme de l’action terroriste dans ses derniers jours.

Ce rigorisme critique nous permet maintenant de mieux cerner sa postérité comme une sorte de « troisième voie » un peu dispersée. Elle incarne tout à fait cette attitude critique et ce refus de la discipline aveugle au sein du parti révolutionnaire. Non seulement l’uniformisation de l’opinion irait à contre-sens de la révolution socialiste, mais elle la rendrait de plus impossible. Face à la réalisation de ce qui est la platitude même en URSS – « considérer qu’une organisation forte doit toujours précéder la lutte est une conception tout à fait mécaniste et non dialectique »25 – qui rappelle de manière assez frappante la critique faite par Herbert Marcuse dans les années 1950 et 1960 du « marxisme soviétique » paralysé et unidimensionnel, c’est-à-dire fondamentalement anti-dialectique, Rosa ne défend ni plus ni moins que la persistance d’un mouvement dialectique dans le mouvement révolutionnaire et dans la démocratie :

« seule l’expérience est capable d’apporter les correctifs nécessaires et d’ouvrir des voies nouvelles. Seule une vie bouillonnante, absolument libre, s’engage dans mille formes et improvisations nouvelles, reçoit une force créatrice, corrige elle-même ses propres fautes. Si la vie publique des États à liberté limitée est si pauvre, si schématique, si inféconde, c’est précisément parce qu’en excluant la démocratie elle ferme les sources vives de toute richesse et de tout progrès intellectuel (…). Ce qui vaut pour le domaine politique vaut également pour le domaine économique et social. Le peuple tout entier doit y prendre part. Autrement le socialisme est décrété, octroyé, par une douzaine d’intellectuels réunis autour d’un tapis vert »26.

Elle représente une certaine orthodoxie27 marxiste, prenant au mot le Manifeste – « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »28 – et les statuts de la première internationale – « l’émancipation de la classe ouvrière doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes »29 –, allant à l’encontre de ceux qui, au nom d’une autre « orthodoxie », en viendrait à prétendre à une exclusivité de la pensée révolutionnaire, et à la réaliser effectivement en détruisant la possibilité même de toute pensée différente – c’est-à-dire dialectique – et par là de toute révolution.

Bibliographie

Textes de Rosa Luxemburg

- LUXEMBURG Rosa, Anthologie 1899-1919, 856 p. [disponible en ligne à http://www.paulgossart.com/textesphilosophie/105-quelques-anthologies-marxistes (consulté le 20/12/2015)]

- LUXEMBURG Rosa, Gesammelte Werk, IV, Berlin, Dietz

- LUXEMBURG Rosa, La révolution en Russie, mars 1917 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19170400.htm (consulté le 20/12/2015)]

- LUXEMBURG Rosa, La vieille taupe, mai 1917 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19170500.htm (consulté le 20/12/2015)]

- LUXEMBURG Rosa, Assemblée nationale ou gouvernement des conseils, Die Rote Fahne, 17 décembre 1918 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19181217.htm (consulté le 20/12/2015)]

- LUXEMBURG Rosa, Notre programme et la situation politique* : discours au congrès de fondation du parti communiste allemand 31 décembre 1918 – 1er janvier 1919* [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19181231.htm (consulté le 20/12/2015)]

Autres ouvrages cités

- BICHAT Jean-Marcel, Rosa Luxemburg in Les révolutionnaires communistes à la conquête du pouvoir : l’espoir d’un siècle, éditions Martinsart, 1978, p. 303-368.

- BOURDEAU Jean, L’internationale socialiste au congrès de Stuttgart, Revue des deux mondes, t.41, 1907 [disponible en ligne à https://fr.wikisource.org/wiki/Page%3ARevue_des_Deux_Mondes_-_1907_-_tome_41.djvu/430 (consulté le 20/12/2015)]

- DEBORD Guy, Œuvres, Paris, Gallimard, 2006

- KPD (parti communiste d’Allemagne), Thèses sur les principes et la tactique communistes, 1919 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/kpd/works/1919/10/theses.pdf (consulté le 20/12/2015)]

- LENINE, Anthologie 1902-1920, 709 p. [disponible en ligne à http://www.paulgossart.com/textesphilosophie/105-quelques-anthologies-marxistes (consulté le 20/12/2015)]

- LUKACS Georg, Histoire et conscience de classe : essais de dialectique marxiste, Paris, éd. de minuit, 1960, 422 p.

- MARCUSE Herbert, Le marxisme soviétique, Paris, Gallimard, 1963, 376 p.

- MARCUSE Herbert, L’homme unidimensionnel : essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée, trad. de l’anglais par Monique Wittig revue par l’auteur, Paris, éd. de Minuit, 2008

- MARX Karl, Statuts de l’Association Internationale des Travailleurs, 1864 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/ait/1864/00/18640000.htm (consulté le 20/12/2015)]

- MARX Karl et ENGELS Friedrich, Le manifeste du parti communiste, 1847 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm (consulté le 20/12/2015)]

- NETTL John Peter, La vie et l’œuvre de Rosa Luxemburg, t.1, Paris, François Maspero, 1972, 476 p.


  1. LUXEMBURG Rosa, La crise de la social-démocratie in Anthologie 1899-1919, p. 720-823 [disponible en ligne à http://www.paulgossart.com/textesphilosophie/105-quelques-anthologies-marxistes (consulté le 20/12/2015)] ↩︎

  2. Voir DEBORD Guy, Œuvres, Paris, Gallimard, 2006, p. 897. ↩︎

  3. MARCUSE Herbert, La catastrophe de la libération in L’homme unidimensionnel : essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée, trad. de l’anglais par M. Wittig revue par l’auteur, Paris, éd. de minuit, 2008, p. 249-270. ↩︎

  4. LUXEMBURG Rosa, Réforme sociale ou révolution ? in Anthologie 1899-1919, p. 10-76. ↩︎

  5. On citera, parmi d’autres, l’essai de Marcuse sur le sujet : MARCUSE Herbert, Le marxisme soviétique, Paris, Gallimard, 1963, 376 p. ↩︎

  6. Le nom exact du parti était Socjaldemokracja Królestwa Polskiego i Litwy, c’est-à-dire « Social-démocratie du royaume de Pologne et de Lituanie ». ↩︎

  7. Lettre du 1er mai 1899 (cité dans NETTL John Peter, Rosa Luxemburg, t.1, Paris, François Maspero, p. 165.) ↩︎

  8. LENINE, Que faire ? in Anthologie 1902-1920, p. 12-155 [disponible en ligne à http://www.paulgossart.com/textesphilosophie/105-quelques-anthologies-marxistes (consulté le 20/12/2015)] ↩︎

  9. Cité dans NETTL John Peter, op. cit., p. 322-323. ↩︎

  10. LUXEMBURG Rosa, Grèves de masses, parti et syndicat in Anthologie 1899-1919, p. 77-137. ↩︎

  11. « La grève de masse est simplement la forme prise par la lutte révolutionnaire » in LUXEMBURG Rosa, Ibid., p. 103. ↩︎

  12. Ibid., p. 102. ↩︎

  13. Cité dans NETTL John Peter, op. cit., p. 354. ↩︎

  14. On trouve peu de sources sur internet concernant la deuxième internationale, du moins en français. On se contentera, pour la référence, de citer BOURDEAU Jean, L’internationale socialiste au congrès de Stuttgart, Revue des deux mondes, t.41, 1907, p. 424 [disponible en ligne à https://fr.wikisource.org/wiki/Page%3ARevue_des_Deux_Mondes_-_1907_-_tome_41.djvu/430 (consulté le 20/12/2015)]. ↩︎

  15. Cité dans BICHAT Jean-Marcel, Rosa Luxemburg in Les révolutionnaires communistes à la conquête du pouvoir : l’espoir d’un siècle, éditions Martinsart, 1978, p. 326. ↩︎

  16. Lettre du 30 avril 1916 à Clara Zetkin (cité dans Ibid., p. 330). ↩︎

  17. LUXEMBURG Rosa, La révolution en Russie, mars 1917 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19170400.htm (consulté le 20/12/2015) ] ↩︎

  18. LUXEMBURG Rosa, La vieille taupe, mai 1917 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19170500.htm (consulté le 20/12/2015)] ↩︎

  19. LUXEMBURG Rosa, La révolution Russe in Anthologie 1899-1919, p. 845. ↩︎

  20. LUXEMBURG Rosa, Ibid., p. 847. ↩︎

  21. LUXEMBURG Rosa, Ibid., p. 847-848. ↩︎

  22. Cité dans BICHAT Jean-Marcel, op. cit., p. 338. On retrouvera la même idée dans le texte Que veut la ligue spartakiste, rédigé par Rosa Luxemburg, publié en décembre 1918 et qui servira de programme au parti communiste allemand [ce texte est disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/programme.htm (consulté le 20/12/2015)] ↩︎

  23. LUXEMBURG Rosa, Assemblée nationale ou gouvernement des conseils, Die Rote Fahne, 17 décembre 1918 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19181217.htm (consulté le 20/12/2015)]. ↩︎

  24. LUXEMBURG Rosa, Notre programme et la situation politique* : discours au congrès de fondation du parti communiste allemand 31 décembre 1918 – 1er janvier 1919* [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/luxembur/spartakus/rl19181231.htm (consulté le 20/12/2015)]. ↩︎

  25. LUXEMBURG Rosa, Gesammelte Werk, IV, Berlin, p. 397. On ira voir à ce sujet le texte du KPD en 1919 : « La conception qu’on pourrait obtenir des actions de masses grâce à une forme d’organisation spéciale, que la révolution est donc une question de forme d’organisation, est repoussée comme un retour aux utopies petites bourgeoises. » (KPD (parti communiste d’Allemagne), Thèses sur les principes et la tactique communistes, 1919 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/kpd/works/1919/10/theses.pdf (consulté le 20/12/2015)]). ↩︎

  26. LUXEMBURG Rosa, La révolution russe, p. 846. ↩︎

  27. Idée partagée par Georg Lukacs dans le premier chapitre de Histoire et conscience de classe – « Qu’est-ce que le marxisme orthodoxe ? ». Dans le même ouvrage, on verra également le second chapitre sur Rosa Luxemburg – « Rosa Luxemburg, marxiste » (LUKACS Georg, Histoire et conscience de classe : essais de dialectique marxiste, Paris, éd. de minuit, 1960, 422 p.). Le jeu sur le mot « orthodoxie » fait ici référence à l’opposition radicale entre le sens du mot tel qu’employé à l’époque de Rosa Luxemburg ou de Lukàcs, et celui des années soviétiques qui fait plutôt référence à un alignement dogmatique sur les idées staliniennes. ↩︎

  28. MARX Karl et ENGELS Friedrich, Le manifeste du parti communiste, 1847 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/marx/works/1847/00/kmfe18470000.htm (consulté le 20/12/2015)]. ↩︎

  29. MARX Karl, Statuts de l’Association Internationale des Travailleurs, 1864 [disponible en ligne à https://www.marxists.org/francais/ait/1864/00/18640000.htm (consulté le 20/12/2015)]. ↩︎